Manuel Bompard 31 décembre 2022
2022 aura été une année extraordinaire. Nous l’avons débutée dans la campagne présidentielle. Peu croyaient à l’époque en nos chances. On disait la gauche divisée et condamnée à la marginalisation. Les revirements surprises autour de la primaire populaire ou l’improvisation d’une candidature Taubira à quelques semaines du premier tour rajoutaient au ridicule du tableau. Vous n’aurez pas la même dynamique qu’en 2017 nous dirait-on ? Nous avons vu.
En réalité, le score extraordinaire de Jean-Luc Mélenchon est d’abord le résultat de la mise en œuvre d’une stratégie claire et efficace. Donner la priorité à la mobilisation des profondeurs du pays plutôt qu’à s’attirer les bonnes grâces du petit monde médiatique. Prendre le temps de convaincre en détails plutôt que de prétendre tout emporter par des artifices de communication. Faire campagne dans les quartiers populaires avec nos centaines de caravanes et la mise en place de nos plus de 3 000 correspondants d’immeuble. Marquer les esprits par des meetings de masse et des évènements spectaculaires. C’est ce qui a permis de solidifier un socle d’adhésion autour du programme l’Avenir en Commun qui résiste aux mouvements sondagiers et aux opérations de diabolisation politique. C’est cette force solide qui entraine dans sa dynamique dans les dernières semaines de campagne. Comme on l’a souvent dit, en politique, la force va à la force. Et il faudra aussi se rappeler que le paysage politique aurait été si différent si les dirigeants communistes avaient accepté notre proposition d’accord avant l’élection présidentielle et si les candidats du PS et d’EELV n’avaient pas choisi de concentrer leurs attaques contre Jean-Luc Mélenchon.
Malgré cela, nous avons fait le choix au lendemain de l’élection présidentielle de jeter la rancune à la rivière pour constituer la NUPES. Notre conviction initiale était que la réélection d’Emmanuel Macron par défaut et par contrainte ne réglait aucune des questions auxquelles était confronté le pays. Il y avait donc une opportunité de faire de l’élection législative le moment décisif du choix des Français. C’est un pari tactique très complexe quand on sait à quel point la 5ème République concentre l’essentiel du débat autour de l’élection présidentielle. Il fallait donc une bonne dose de détermination pour repartir comme nous l’avons fait à la bataille. Mais il nous semblait que le trou de souris existait. Nous n’avions pas tort. Nous fîmes donc le choix d’aborder l’élection législative avec un objectif de victoire. L’idée n’était pas de sauver quelques députés, ou de faire élire un maximum de députés d’opposition, perspectives bien peu mobilisatrices. C’était de proposer au pays de choisir sa majorité, son gouvernement et donc son premier ministre. Notre slogan « Mélenchon premier ministre » le disait avec des mots simples.
Pour rendre cette perspective à portée de main, nous avons voulu élargir l’union populaire qui s’était constituée autour de la campagne présidentielle. Elle avait déjà rassemblé largement, comme le prouvait le Parlement de l’Union Populaire qui regroupait des personnalités et des partis politiques bien au-delà de la France Insoumise. L’élection présidentielle ayant tranché la question du centre de gravité à gauche en faveur de la rupture écologique et sociale avec l’ordre établi, il nous semblait possible de rentrer en discussion avec les partis politiques qui avaient un autre candidat à l’élection présidentielle. Cela nécessitait de mettre les rancœurs de côté et surtout d’être exigeant sur le fond et sur la forme de la construction que nous voulions mettre en place. Là où certains ne voulaient qu’un accord en défensif, nous voulions au contraire l’accord le plus intégré possible : programme commun de rupture de plus de 600 mesures, parlement de la NUPES, campagnes communes sur l’ensemble des circonscriptions de l’hexagone. C’est à ces conditions que nous pouvions donner confiance au peuple et évacuer l’hypothèse d’un simple accord d’appareils.
Là aussi, peu y croyaient à l’époque. Pourtant, nous avons réussi. Il faut rendre hommage ici à tous ceux qui ont rendu cela possible, notamment à Olivier Faure et Julien Bayou qui ont réussi à convaincre leurs organisations. En 10 jours, nous avons réalisé un accord inédit : il n’y aurait qu’un seul candidat de gauche dans chacune des circonscriptions de l’hexagone, défendant partout un même programme. Bien sûr, nous avions des nuances sur le fond. Nous avions préféré les poser cartes sur table plutôt que de chercher des formules alambiquées sans aucune signification. Certes, nous n’avons pas pu empêcher les candidatures dissidentes de membres du Parti socialiste opposés à cette orientation, qui auront éliminé les candidats de la gauche et favorisé la victoire du Rassemblement National dans plusieurs circonscriptions. Mais l’accord NUPES était né et il aura permis de réaliser une performance historique. Ainsi, au soir du premier tour des élections législatives, malgré les tentatives de manipulations de Darmanin, c’est bien la NUPES qui aura fini en tête de l’élection législative.
Notre pari stratégique était qu’en finissant en tête du premier tour, nous allions crédibiliser la possibilité d’élire une majorité parlementaire d’une couleur politique différente du candidat qui avait emporté le second tour de l’élection présidentielle. Cela ne s’était jamais produit depuis la fin du quinquennat et l’inversion du calendrier électoral qui ont positionné l’élection présidentielle en amont de l’élection législative. Nous savions qu’une des conditions de la mobilisation était de franchir ce cap de crédibilité. Mais reconnaissons que nous n’avions pas imaginé à quel point le pouvoir macroniste aura préféré donner un coup de fouet extraordinaire au Rassemblement National en concentrant ses attaques sur la NUPES et en poussant ses électeurs à préférerl’extrême-droite à la gauche dans les seconds tours où une telle opposition existait. Au final, après avoir remporté le premier tour de l’élection législative, nous élisions 151 députés de la NUPES. Un résultat impressionnant mais ne permettant pas de constituer la futur majorité politique du pays. Néanmoins, pour la première fois depuis le début de la 5ème République, le président de la République élu quelques semaines plus tôt ne réussit pas à obtenir de majorité lors de l’élection législative.
Pour la NUPES, ce fut tout de même un succès certain. Depuis lors, il s’agit pour la minorité présidentielle de tout faire pour fracturer la NUPES. Dès les premiers textes de loi, l’objectif était de fragiliser notre coalition en distinguant les insoumis et les autres. La moindre polémique médiatique fut instrumentalisée pour cela. Les éléphants du parti socialiste, incapables de tourner la page de leur dérive social-libérale, et les opposants internes au sein du PCF ou d’EELV, cherchèrent le moindre prétexte pour reprendre du terrain. Tout le monde n’attendait qu’une seule chose : l’explosion de la NUPES. Mais elle ne survint pas. Les groupes parlementaires se constituèrent et l’intergroupe se mit en place. Les universités d’été de chacune des formations permirent de montrer une volonté de poursuivre notre travail commun à l’Assemblée Nationale et au-delà.
Ainsi, sur la proposition d’Olivier Faure, nous avons initié au mois de septembre une campagne pour un référendum d’initiative partagée sur la taxe sur les super-profits. Et sur notre proposition, nous nous retrouvâmes aux cotés de plusieurs associations et structures syndicales dans l’organisation de la marche contre la vie chère et l’inaction climatique du 16 octobre dernier. Ce fut à nouveau un beau succès populaire au moment où se déclencha une forte mobilisation pour l’augmentation des salaires dans les entreprises pétrolières. À l’Assemblée Nationale aussi, malgré parfois des nuances tactiques, nous aurons agi ensemble à chaque fois que possible. C’est ensemble que nous avons refusé les logiques de primes et de chèques pour demander des augmentations de salaire. C’est ensemble que nous avons bataillé contre le projet de loi de finances pour demander un véritable partage des richesses, un impôt plus juste, l’introduction d’une taxe sur les superprofits ou des investissements massifs dans les services publics ou dans la bifurcation écologique. C’est ensemble que nous nous sommes mobilisés pour un autre projet de budget de la sécurité sociale. C’est ensemble que nous avons refusé la multiplication des recours à l’article 49.3 par un gouvernement profondément minoritaire et dans l’incapacité d’obtenir une majorité pour voter ses textes de loi.
Dans cette période, la France insoumise aura eu également une capacité d’initiative hors du commun. Ses militants se seront démultipliés. Nous aurons multiplié les réunions publiques partout dans le pays contre la vie chère, près de 50 au mois de décembre. Nous aurons réalisé plus de 200 opérations de collecte solidaire devant les supermarchés le 3 décembre dernier. Nos députés et nos candidats aux élections législatives de juin auront initié des assemblées de circonscription de la NUPES pour faire vivre notre coalition partout dans le pays. Sous l’impulsion de Louis Boyard, nous aurons réalisé des conférences étudiantes dans plus de 50 universités. Notre groupe parlementaire aura initié deux commissions d’enquêtes citoyennes sur l’hôpital et sur les collectivités territoriales. Nous aurons fait adopter par une majorité de députés, lors de notre niche parlementaire, l’inscription de l’IVG dans la Constitution. Nous aurons déposé pour la première fois à l’Assemblée Nationale un texte de loi pour l’abrogation de la corrida. Et sans une honteuse manœuvre d’obstruction du gouvernement, nous aurions pu faire voter enfin la réintégration des soignants suspendus pendant la crise sanitaire, comme cela est le cas dans quasiment tous les pays d’Europe. Aucune autre organisation politique n’aura autant fait dans cette période.
Bien sûr, nous aurons fait ce travail sous un flot permanent d’agressivité et de coups bas médiatiques. Il n’y aura pas eu une semaine sans volonté de nous diviser ou de nous fracturer. Chacun y sera passé. De Jean-Luc Mélenchon, bien sûr, comme chaque semaine. À Mathilde Panot, accusée d’antisémitisme, pour avoir fait la liste des ministres macronistes battus aux élections législatives. Mais aussi Carlos Martens Bilongo, sali alors qu’il fut la victime d’une ignoble attaque raciste dans l’hémicycle ou Louis Boyard, diabolisé pour avoir osé critiquer les activités de Bolloré en Afrique sur une chaine de télévision lui appartenant. À chaque fois, une même volonté de transformer la victime en coupable. Jusqu’encore récemment quand le journal le Monde demandait si les insoumis, en dénonçant les actions de l’extrême-droite, n’étaient pas les responsables de la recrudescence des actes violents des groupuscules fascistes. Face à cela, nous aurons tenu bon avec le calme des vieilles troupes et en ayant toujours en tête les mots de Cyrano : « on n’abdique pas l’honneur d’être une cible ».
Ce bilan, c’est celui que nous avons en tête au moment où se termine cette année extraordinaire. Il éclaire aussi le niveau de responsabilité qui est le nôtre. Dès lors, il nous appartient collectivement d’éviter les divisions lorsque nous sommes confrontés à des situations difficiles. Il peut arriver que nous ne soyons pas en accord sur tout. C’est le cas à propos de la manière avec laquelle nous devons réagir face à la condamnation d’Adrien Quatennens. Les députés de la France insoumise ont décidé par un vote de son exclusion du groupe parlementaire pendant 4 mois. En outre, celui-ci n’est plus le coordinateur de la France insoumise et n’est plus membre d’aucune structure de direction du mouvement. On a le droit de considérer que c’est trop ou pas assez. D’ailleurs, des insoumis s’expriment pour le dire, dans les deux sens. Mais il n’est pas exact de présenter les choses comme un désaccord entre « la base » et « la direction » puisque des avis opposés existent parmi les parlementaires comme parmi les militants. Et surtout pourquoi le faire avec une telle violence sur les réseaux sociaux ou dans la presse ? Quand on n’est pas d’accord, mieux vaut chercher à se comprendre et à se convaincre plutôt qu’à se dénigrer ou s’insulter. Cela vaut pour tout : la démocratie commence par le débat argumenté, respectueux, qui évite les caricatures. Cela suppose de ne pas considérer que la position de l’autre, même si on ne la partage pas, est inentendable par principe et qu’il n’y a pas d’autre option que l’alignement de tous sur sa position personnelle.
C’est avec ce même sens des responsabilités qu’il nous faut aborder les débats sur notre organisation. La France insoumise n’est pas un parti mais un mouvement. Il est composé de 4 000 groupes d’action répartis partout en France, dont 2 000 groupes d’action certifiés. C’est 360 000 personnes inscrites sur Action Populaire dont 70 000 qui militent dans un groupe d’action. Ce sont des centaines d’actions chaque semaine de la part des insoumis qui s’engagent bénévolement et librement. Ce sont des milliers d’heures passés par des dizaines de milliers de personnes qui n’attendent rien d’autres en retour que de faire avancer les causes qu’elles croient justes. La moindre des choses est de commencer à éviter de les faire passer pour des individus gouroutisés ou des courtisans.
La France insoumise, c’est aussi un mouvement politique radicalement différent qui se construit progressivement. Il y a 10 ans, c’était 11% des voix à l’élection présidentielle, 0 député et 2 députés européens. Aujourd’hui, c’est 22% des voix à l’élection présidentielle, 75 députés élus en juin et 5 députés européens. C’est un bilan pas si mauvais pour un mouvement qu’on annonce en crise finale à peu près chaque année. Il se construit, étape par étape, avec la confiance vis à vis du travail réalisé jusque-là et avec l’exigence d’aller encore plus loin. Critiquer est toujours possible, participer à faire mieux est toujours plus utile. Et s’il est normal que des ambitions présidentielles existent (celles et ceux qui les affirment en ont en plus le talent), pourquoi ne pas le faire sans acrimonie, en se faisant apprécier pour son dévouement au combat commun ?
Depuis la fin de l’élection législative, l’enjeu est de nous développer et de nous organiser sur l’ensemble du territoire. Le mouvement se transforme à travers les objectifs politiques que les insoumis se fixent. Ici, il s’agit d’aller conquérir une majorité populaire car nous pensons que le couperet de la dissolution peut tomber à tout moment. On comprend pourquoi le pouvoir a un tel intérêt à dénigrer les figures du mouvement et le nom même des insoumis. Il faut donc être prêt pour faire mieux qu’en juin dernier. Il faut se développer partout, en particulier là où nous ne sommes pas encore assez forts. Il faut reconstruire des réseaux de résistances et d’actions collectives là où ils ont disparu. Il faut des moyens financiers pour le faire, des locaux, des militants engagés et des structures de coordination à une échelle plus large que le simple groupe d’action. C’est le sens des annonces débattues lors de l’assemblée représentative de la France insoumise. Elles sont le fruit des débats internes, des demandes exprimées par les insoumis, des discussions qui ont eu lieu dans les groupes d’action et des contributions qui en sont issues. J’ai personnellement organisé sur ce sujet un atelier aux amfis d’été, tenu depuis plus de 30 réunions de travail et animé un temps d’échange lors du séminaire du groupe parlementaire fin septembre. Réduire ce travail à la composition de telle ou telle instance n’est pas très agréable pour le travail collectif des milliers de personnes qui y ont participé.
Parlons de ces instances. Dans l’idée que nous nous faisons d’un mouvement, les structures de décisions sont multiples : nous ne construisons pas un parti avec son bureau politique suprême. Notre principe d’organisation est fédératif. La France insoumise, ce sont d’abord des groupes d’actions qui agissent librement dans le cadre du programme. C’est aussi un groupe parlementaire, avec son bureau d’une vingtaine de membres, qui anime notre travail législatif. C’est une coordination des espaces du mouvement qui pilote ses campagnes et son développement et qui répartit les tâches d’animation en son sein. Ce sera désormais également un conseil politique qui organise les discussions stratégiques et intègre la diversité de tous ceux qui ont fait campagne dans le cadre de l’Union Populaire. C’est enfin une assemblée représentative qui permet le débat entre ces instances et des représentants tirés au sort parmi les animateurs de groupes d’actions de tous les départements. C’est cet ensemble qu’il s’agit d’articuler.
Dès lors, faire croire à « l’exclusion » de telle ou telle personne alors que chacun participe au moins à l’un de ces espaces de direction ne correspond pas à la réalité. Et d’ailleurs comment pourrait-on exclure quelqu’un d’une structure alors qu’il n’en était pas membre ? Pourquoi ne pas dire d’ailleurs que les « exclus » sont membres du bureau du groupe parlementaire qui se réunit une fois par semaine tous les lundis soir ? Pourquoi ridiculiser la création d’un conseil politique avant même qu’il ne soit mis en place en le présentant comme une mascarade ? Qui croit que nous n’avons pas suffisamment d’occupation pour s’infliger une réunion supplémentaire qui ne servirait à rien ? Peut-on discuter des sujets avec respect plutôt que de les aborder en polémiquant sur un mode bien éloigné de celui d’une organisation candidate à gérer le pays ?
Dans le mouvement, il ne suffit par ailleurs pas seulement de vouloir être membre d’une instance pour y avoir droit. Pour une raison qui n’a rien de personnelle. Et pas seulement parce que notre mouvement ne reconnait pas de sensibilités, ni rien du système des courants qui minent la vie d’autres partis. La raison est simple et concrète. Cette coordination n’est pas décidée par en haut mais par en bas. C’est à dire à partir des propositions faites par les différents espaces du mouvement, ouverts à la participation de tous ceux qui le souhaitent. Et pour être proposé par un espace d’action, encore faut-il y être impliqué. Faudrait-il retirer de la coordination des espaces du mouvement Louis Boyard qui coordonne depuis septembre une campagne dans toutes les universités du pays ? Faut-il enlever Bastien Lachaud qui a pris en charge avec Caroline Fiat et l’équipe des évènements de la France Insoumise l’organisation de l’ensemble des meetings comme des amfis d’été ces dernières années ? Faut-il renoncer à y intégrer Clémence Guetté et Hadrien Clouet qui ont piloté tout le travail d’élaboration programmatique de la campagne présidentielle et législative ? Sophia Chikirou qui a pris en charge avec succès la communication de nos dernières campagnes, dont deux présidentielles et la campagne régionale de Clémentine Autain en 2020 ? Aurélie Trouvé qui a mis en place le parlement de l’Union Populaire et s’occupe depuis lors des relations avec le mouvement social ? Paul Vannier qui a préparé les élections législatives avec le succès que l’on sait ? J’en oublie. Ou bien faut-il renoncer à inclure de nouveaux visages qui se sont engagés à consacrer du temps et de l’énergie au développement du mouvement, y compris au détriment de leur apparition personnelle ?
Bien sûr, l’implication dans cette coordination n’est qu’un des postes de combats du mouvement. Il y’en a bien d’autres. Certains parlementaires s’investissent majoritairement à l’Assemblée Nationale en prenant par exemple en charge une présidence de commission. D’autres dans des pôles nationaux du mouvement ou dans des livrets programmatiques sans pour autant rejoindre la coordination des espaces. Tous seront aussi référent d’un département où nous n’avons pas de député. Nous n’avons pas le luxe de nous priver de qui que ce soit. Personne n’a d’ailleurs jamais été empêché de faire. Il suffit pour cela de prendre un sujet à bras le corps, d’y mettre de l’énergie et de savoir le faire dans le respect d’une discipline collective indispensable à notre succès. Et si cette coordination comprend cette fois un (trop) grand nombre de députés, cela correspond à l’état actuel du mouvement. Mais ça ne peut être définitif. Un des objectifs fixés est de faire émerger de nouveaux dirigeants, en lien avec le travail de formation impulsé par l’institut la Boétie, afin de renouveler cette coordination au bout d’un an.
Car dans le mouvement, les structures d’animation évoluent avec ses objectifs. Elles tournent. Il n’y a pas de places réservées. Chacun prend son poste de combat ou s’en construit un si nécessaire. Ce fourmillement est notre force. Il est aussi ce qui a permis le succès des deux dernières campagnes présidentielles de Jean-Luc Mélenchon, dont j’ai assuré la direction de campagne avec cet état d’esprit. Pourquoi faudrait-il abandonner ce qui a fait ses preuves, et encore plus au profit de méthodes qui n’ont pas démontré leur capacité à produire de tels résultats ? Pourquoi serait-ce moins démocratique de désigner au sein des espaces d’action du mouvement plutôt qu’à travers une compétition entre des personnes indépendamment des tâches qu’elles prennent en charge pour le collectif ? Voulons-nous voir dans notre mouvement ces batailles d’écurie présidentielle, de courants ou de tendances ou cherchons-nous au contraire à nous rassembler dans l’action ? L’action ne doit pas empêcher le débat me dit-on ? Bien évidemment ! Mais c’est le débat dans l’action qui rassemble. Déconnecté d’une réflexion sur la mise en œuvre, le débat fige les différences. En cherchant à agir ensemble, on est dans l’obligation de les dépasser. C’est l’action qui rend nos débats utiles et productifs !
On a même pu lire dans la presse que la composition de notre coordination marquerait un rétrécissement. Comment peut-on dire cela quand cette nouvelle coordination est renouvelée à plus de 50% et comprend des profils aussi divers que les anciennes porte-paroles d’ATTAC et d’Oxfam que sont Aurélie Trouvé et Manon Aubry, des anciens syndicalistes lycéens ou étudiants comme Louis Boyard ou William Martinet, des anciens membres du PCF ou du NPA comme Francis Parny ou Danièle Obono ou une militante issue du syndicalisme international comme Marina Mesure ? Est-ce vraiment raisonnable quand la création du conseil politique vise justement à associer à notre action des partis politiques qui ont soutenu notre campagne présidentielle comme la REV d’Aymeric Caron, le POI, le Parti de gauche, les insoumis communistes, Picardie Debout de François Ruffin ou la GES de Clémentine Autain ? Encore une fois, on peut critiquer ou ne pas s’y retrouver. Mais à quoi bon caricaturer et attribuer des intentions malveillantes ?
C’est donc avec un état d’esprit collectif et évolutif que nous avons conduit une nouvelle étape d’évolution de la France insoumise. Nous, ce n’est pas Jean-Luc Mélenchon seul, même si son apport théorique à cette réflexion, tout comme son rôle dans les résultats de notre mouvement, lui donne toute légitimité pour y participer. On peut accepter sa décision de mise en retrait sans vouloir sa mort politique. Quel mouvement de masse serions-nous si nous n’étions plus capables de comprendre l’élan populaire qui a porté sa candidature et si nous choisissions de nous en couper ? Nous, c’est l’ancienne coordination des espaces du mouvement qui a piloté ce travail à travers plus de 30 réunions depuis les amfis du mois d’août, des centaines de contributions des différents espaces du mouvement, des parlementaires et des insoumis. Nous, c’est l’assemblée représentative du mouvement qui a permis de faire évoluer cette feuille de route. Les débats sont toujours légitimes, mais le respect l’est aussi vis à vis de tous ces gens qui agissent, préparent, organisent, sans jamais chercher à se mettre en avant.
Est-ce que pour autant le travail est parfait et totalement abouti ? Ce n’est jamais le cas, on le sait bien. Mais il permet de franchir, je le crois, une nouvelle étape dans la construction d’un mouvement politique radicalement novateur et différent des appareils politiques traditionnels. Bien sûr, des questions restent ouvertes. Il nous appartient collectivement de poursuivre ce travail pour continuer à avancer. La mise en place du conseil politique sera une étape très importante. Le groupe parlementaire y prendra aussi sa part puisqu’il se retrouve le lundi 9 janvier. Les contributions des groupes d’action sont également les bienvenues. Avec l’objectif d’améliorer l’existant. Étape par étape, et en gardant à l’esprit notre responsabilité immense.
Parce que nous sommes à l’aube de la plus importante confrontation sociale de ces dernières années. Parce que la récession économique qui vient va faire de l’année 2023 une année d’une très grande brutalité. Parce que l’extrême-droite menace, comme l’ont montré les multiples agressions contre nos réunions publiques, ou, de manière bien plus tragique, l’assassinat raciste de trois de nos amis kurdes. Parce qu’il ne faut jamais perdre de vue que ce que nous avons construit est notre bien le plus précieux.
Des rendez-vous majeurs s’avancent déjà devant nous. Le 10 janvier, Elisabeth Borne présentera son projet de loi sur les retraites. D’ores et déjà, à l’appel des organisations de jeunesse (et non de la France insoumise seule, comme on peut le lire dans les organes de presse), une marche pour nos retraites aura lieu à Paris le 21 janvier prochain. Un mouvement de grève et des manifestations en semaine s’ajouteront sans doute à l’initiative de l’intersyndicale. Toutes seront complémentaires. C’est ce qui va mobiliser l’essentiel de notre énergie en janvier.
Deux rendez-vous électoraux sont également prévus pour la France insoumise avec les élections législatives partielles en Charente et dans la Marne. René Pilato est notre candidat sur la 1ère circonscription de Charente. En juin dernier, il avait échoué de seulement 24 voix. Avec Aude Marchand, sa suppléante, ils sont d’ores et déjà en campagne, soutenus par l’ensemble des composantes de la NUPES. Tout comme Victorien Pâté et Tosca Fracquelli dans la 2ème circonscription de la Marne. Le premier tour de ces deux scrutins aura lieu le dimanche 22 janvier. Si vous avez l’opportunité d’aller les aider d’ici là, n’hésitez pas. Ce serait une bonne manière de commencer l’année 2023 que de compter de nouveaux députés de la NUPES à l’Assemblée Nationale !
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