Présenté le jeudi 10 octobre en Conseil des ministres, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 prévoit
différentes mesures d’économie avec la volonté de faire un effort global de 14,8 milliards d’euros en 2025 pour les comptes de la Sécurité sociale : reste à charge, arrêts maladie, retraites… Les principales mesures d’économies du budget de la Sécu.
Conséquence de ce « freinage tendanciel », selon la formule utilisée par Bercy, le niveau de remboursement pris en charge par l’Assurance maladie pour les consultations de médecin et de sage-femme va baisser, à hauteur d’un milliard d’euros.
Le ticket modérateur, c’est-à-dire la part qui est à la charge du patient, devrait ainsi passer de 30 à 40%. L’exécutif compte sur les complémentaires pour avaler cette hausse. Mais sans doute faudra-t-il s’attendre à ce que les mutuelles revoient leurs tarifs l’année prochaine, après une augmentation de plus de 8% du montant des cotisations en 2024…
« Pour une assurance complémentaire gérée par la Sécurité sociale »
Un collectif de cinq médecins* dénonce, les « doublons » des frais de
gestion entre Assurance-maladie et assurances privées, suggérant
d’économiser de ce côté plutôt que d’augmenter le reste à charge des assurés.
Pour réduire le déficit des dépenses publiques, le gouvernement propose de donner un coup de frein aux dépenses de santé, qui représentaient, en 2022, 11,9 % du produit intérieur brut (PIB) de la France, nous plaçant en deuxième position des pays européens derrière l’Allemagne 12,6%. Toutefois, en euros par habitant, l’Allemagne dépense en moyenne 20 % de plus que la France (4343 euros versus 3475 euros).
La France est, en revanche, en tête des pays européens en matière de frais de gestion des financeurs des soins de santé: 6% des dépenses de santé, contre 5% en Allemagne et 3% pour la moyenne des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
En effet, spécificité française, nous avons pour chaque soin une double gestion, par l’Assurance-maladie obligatoire, d’une part, et par les assurances privées complémentaires, d’autre part.
Autrement dit, lorsqu’un assuré verse 100 euros à une assurance
complémentaire (mutualiste ou non), seuls 75 euros sont utilisés pour payer les soins contre 96 euros s’il les confie à la Sécurité sociale.
« Faire mieux avec moins »
En abaissant de 70% à 60% le remboursement des consultations chez le médecin ou chez la sage-femme, le gouvernement veut diminuer la dépense publique en la transférant aux assurances privées…
Mais celles-ci répercuteront automatiquement la hausse sur le montant de la prime versée par leurs assurés, après une hausse de 8% en 2024 !
Cette mesure purement comptable n’entraînera donc aucune économie pour la société. Elle va coûter plus cher aux assurés et provoquera un accroissement des inégalités sociales de santé dans la mesure où les moins fortunés, notamment parmi les retraités, seront amenés à dégrader le niveau de leur couverture santé.
A l’inverse, l’intégration des mutuelles dans une « Grande Sécu » remboursant à 100% un panier de prévention et de soins solidaires permettrait à la collectivité d’économiser 5,4 milliards d’euros par an, d’après un rapport du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance-maladie, publié en janvier 2022.
A défaut de cette réforme structurelle majeure, la création d’une assurance complémentaire gérée par la Sécurité sociale permettrait de « faire mieux avec moins », selon le vœu du ministre du budget… En effet, la gestion de l’assurance-maladie obligatoire et d’une assurance-maladie complémentaire par un financeur unique permettrait de supprimer le doublon inutile des frais de gestion.
Les milliards économisés pourraient à la fois être ristournés aux assurés et servir à réduire le déficit de la Sécurité sociale. Gagnant, gagnant !
Cette mesure de bon sens est faisable puisqu’elle existe déjà en Alsace-Moselle, où deux millions de salariés bénéficient, pour des raisons historiques, d’un régime de santé spécial. Sa généralisation dépend seulement de la volonté politique du gouvernement de supprimer la rente des assurances-maladie privées dites
« Complémentaires », moins égalitaires, moins solidaires et surtout
moins efficientes que la Sécurité sociale.
Stéphane Talbot
- François Bourdillon est médecin de santé publique; Mady Denantes est médecin généraliste; Anne
Gervais est hépatologue au centre hospitalier universitaire (CHU) Bichat, à Paris; André Grimaldi
est diabétologue au CHU de la Pitié-Salpêtrière, à Paris; Olivier Milleron est cardiologue au CHU
Bichat.
Source:
-Public Sénat
-Texte réalisé à partir d’un article du monde publié le 25 octobre dans « le monde »
Stéphane Talbot
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