Suite à la journée internationale des droits des femmes : les terreurs masculines…
« Comme un homme sur deux, je suis une femme. Le mot « homme » possède en effet cette particularité de désigner à la fois le genre humain dans son ensemble et l’individu de sexe mâle, qui n’en constitue pourtant qu’une moitié. Chacun s’y est habitué, mais
ce double sens est troublant car une partie se prend pour le tout ! »
L’assimilation du masculin à la totalité du genre humain traduit le penchant de l’homme à se considérer comme le représentant le plus accompli de l’espèce humaine. L’homme est l’étalon de l’excellence, de la perfection: à lui l’absolu, à elle le relatif. L’homme est au cœur, la femme à la périphérie. Il est la norme, elle est la différence, il est au dessus, elle est en dessous etc…
Et pourtant … le sexe masculin n’est pas le premier sexe, le sexe fort ! Il est le plus « faible », le plus fragile des deux !
En remontant jusqu’aux origines du vivant, le sexe masculin apparaît dans la nature bien longtemps après le sexe féminin. Car pendant des millions d’années, les organismes n’ont nullement eu besoin de lui pour se reproduire. Dans le monde matriciel indifférencié des origines, les espèces se multipliaient par scission/réplication* un procédé simple, très performant, permettant de coloniser rapidement l’espace.
La présence du masculin dans le monde est donc à la fois seconde et secondaire. Le chromosome Y, masculin, le seul qui différencie les hommes des femmes, est bel et bien issu du chromosome X, qui était le premier. Lorsqu’il émerge de l’océan primitif, il y a trois cent millions d’années, le chromosome Y constitue une forme de dégénérescente du chromosome X.
Non seulement il est beaucoup plus petit, mais il est porteur de quarante fois moins de gênes que le X. Le sexe féminin est donc bien le « sexe constitutif » et le mâle le « sexe induit ». Selon le professeur de génétique britannique Bryan Sykes, le chromosome Y, « loin d’être vigoureux et robuste », se décomposerait même à un rythme si alarmant qu’il serait, à terme, menacé d’extinction, un phénomène qu’il a baptisé « la malédiction d’Adam »*
En suivant cette piste, on peut imaginer que le premier théâtre
de la guerre des sexes fut le terrain génétique. Pour le féminin,
la tentation pourrait être grande de revenir à la reproduction asexuée, qui lui ouvrait les portes de l’immortalité ! La réplication
(ou dédoublement) est en effet une copie de l’identique, semblable au clonage, tandis que la rencontre sexuelle avec le masculin est intimement liée à la mort, puisqu’en générant de nouvelles combinaisons, les hasards du brassage génétique font disparaître les anciennes.
Est-ce là, dans ce conflit génétique entre biodiversité c’est à dire écosystèmes organisés et entropie ou désordre d’un système inauguré par la différenciation sexuelle, qu’il faut chercher les racines inconscientes du combat immémorial des sexes?
L’émergence, tardive du sexe mâle, fait apparaître la sexuation, c’est à dire la présence de deux sexes distincts. Puis la sexualité, à savoir
la rencontre des ces deux sexes. Ce double événement s’est peut être accompagné, côté féminin, d’une peur de l’autre et de la mort et, côté masculin, de l’angoisse d’un féminin considéré comme hostile, vorace et toujours tenté par le retour à l’hégémonie primordiale, c’est à dire la reproduction asexuée !
Ce qui est troublant, c’est qu’on retrouve des traces de cette profonde inquiétude masculine dans les religions, les croyances et les grands récits fondateurs, un peu partout à travers le monde, comme s’ils étaient porteurs d’une sorte « d’inconscient nucléaire », d’une mémoire génétique venue du fond des âges.
Dès les origines de la civilisation, la pensée théologique et mythique – et singulièrement les récits de la création du monde – ne cessent d’évoquer les trois craintes archaïques du masculin :
– la peur de la castration par la toute puissance féminine
– la hantise de l’effémination
– la terreur de l’impuissance
Stéphane Talbot
Article réalisé à partir du livre « Le mythe de la virilité, un piège pour les deux sexes » de Olivia Gazalé. Édition Agora.
* La scission/réplication est un mode de multiplication asexué qui se réalise simplement par division de l’organisme. On parle de scissiparité d’une simple division en deux de l’individu produisant un organisme fille
identique à l’organisme mère, donc deux clones génétiquement
et morphologiquement identiques.
** Bryan Sykes est un professeur de génétique humaine britannique
de l’université d’Oxford.
Dans « La malédiction d’Adam: un futur sans hommes » publié en 2004, il expose son hypothèse selon laquelle avec la baisse de spermatozoïdes chez les hommes et l’atrophie continuelle du chromosome Y, dans 5000 générations (environ 125000 ans) les hommes disparaitront. Sykes pense que l’une des options pour la survie de l’humanité est la reproduction unisexe par les femmes.
Dans ce livre volontairement provocateur, il précise :
« Si j’ai intitulé ce livre La Malédiction d’Adam, c’est parce que, loin d’être vigoureux et robuste, le chromosome Y, le seul qui différencie les hommes des femmes, l’ultime symbole génétique du sexe masculin, se décompose à un rythme si alarmant que, pour les êtres humains tout au moins, l’expérience de « modification génétique » sera bientôt terminée. Comme beaucoup d’espèces qui ont perdu leurs mâles, nous sommes bel et bien menacés d’extinction. » Bryan Sykes