Il y a unanimité pour souligner la très forte mobilisation contre la réforme des retraites, dans toute la France le 19 janvier à l’appel de la totalité des syndicats (c’est historique !) et à Paris le 21 à la « Marche pour nos retraites » à l’appel de onze associations de jeunesse.
Au-delà d’une éventuelle polémique sur le nombre de participants et des légendaires sous-estimations du ministère de l’Intérieur et du cabinet Occurrence, voire des estimations flatteuses des organisateurs, les Insoumis fécampois ont pu juger par eux-mêmes de l’ampleur sans précédent des cortèges le jeudi matin au Havre et l’après-midi à Fécamp et de la forte mobilisation, en particulier de la jeunesse, le samedi à Paris.
Cette réforme ne passe pas, le mensonge est trop gros.
Les mensonges devait-on dire, car ils sont nombreux ! Ministres, députés de la minorité présidentielle et autres porte-paroles, tous utilisent les mêmes éléments de langage.
« Une réforme pour sauver le système par répartition », disent ceux qui en 2019 nous proposaient une réforme visant à créer un système par points, « un système universel plus juste et plus solidaire ». Tout et son contraire en quelques années…
« Une réforme nécessaire car le système de retraites est déficitaire. » Mensonge et tromperie ! Pour l’exécutif, la réforme est structurellement incontournable car le système « n’est pas équilibré financièrement » et que travailler plus longtemps est impératif si l’on veut préserver notre modèle de protection sociale. D’après le dernier rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR) après avoir dégagé quelques milliards d’euros d’excédents en 2021 et 2022, le solde global des régimes de retraite devrait se « dégrader sensiblement » dès 2023 pour un retour à l’équilibre entre 2030 et 2050. Le déficit du système, loin d’être abyssal, est provisoire puisque même sans réforme on peut espérer un retour à l’équilibre d’ici une quinzaine d’années.
Le COR précise dans son rapport que ses résultats « ne valident pas le bien-fondé des discours qui mettent en avant l’idée d’une dynamique non contrôlée des dépenses de retraites ». Mais on peut aussi s’interroger sur la pertinence de ses projections et rappeler que le capitalisme n’est pas en mesure de faire des prédictions à si long terme. Aucun économiste n’avait prévu les crises de 2008, personne ne peut prévoir les évolutions de la croissance économique ou de l’inflation à plus d’un an !
Déficit douteux mais manque de ressources certain car il ne faut pas oublier, les milliards d’euros non perçus par la Sécurité Sociale et ses différents régimes suites aux généreuses exonérations de « charges » offertes au patronat sans aucune contrepartie : exonération de cotisations sur les bas salaires, dont le périmètre s’est étendu aux cotisations de retraites complémentaires en 2019 ; exonérations pour les entreprises du CAC 40, CICE et taux réduit ; allègements Fillon pour les salaires autour du Smic ; exonération de l’épargne salariale (intéressement et participation) ; défiscalisation des heures supplémentaires, etc.
Affirmer comme le fait le gouvernement que la pérennité de notre modèle est menacée, relève de la malhonnêteté intellectuelle.
« On ne pourra pas faire face au déficit qui s’annonce. Garantir les pensions nécessite de travailler plus longtemps. » Mensonge ! Le gouvernement parle d’un déficit de douze milliards dans les quinze prochaines années, ce qui est peut par rapport aux 300 milliards que collecte le système de retraite et ne le met absolument pas en danger. En retardant l’âge de départ en retraite, on demande aux personnes qui sont aux portes de la retraite, celles qui ont entre 55 et 62 ans, de financer ce déficit. On va leur demander un très gros effort alors que si on le faisait payer à tout le monde, ce ne serait pas grand-chose, il faudrait moins d’un point de cotisation pour trouver ces douze milliards d’ici 2027.
« C’est une réforme de justice sociale. Nous construisons un système plus juste. » Mensonge ! Faire travailler deux ans de plus est une injustice énorme qui va d’abord toucher les femmes, toucher les jeunes par le biais du chômage et ceux qui ont les carrières les plus longues pour avoir commencé à travailler tôt, ceux qui exercent les métiers les plus pénibles.
Le magazine Alternatives Économiques, est très explicite sur l’injustice de cette réforme : « Dans les faits, il faut impérativement réunir deux conditions pour toucher une retraite sans décote : l’âge légal et le bon nombre de trimestres. Tous les salariés qui auront atteint leurs 43 annuités à 62 ans devront donc travailler plus que les autres. (…) En revanche, un salarié entré sur le marché du travail à 19 ans serait aujourd’hui en mesure de faire valoir ses 43 annuités à 62 ans. Avec un report de l’âge à 64 ans, et à défaut de bénéficier du dispositif carrières longues parce qu’il n’aura pas validé suffisamment de trimestres, il devra donc travailler 45 annuités. (…) Il en va de même pour les mères qui, grâce aux huit trimestres de majoration accordés pour chaque enfant, pouvaient espérer quitter leur emploi plus tôt. En 2021, un tiers des nouvelles retraitées ont pu prendre leur retraite à 62 ans grâce à ce dispositif. Demain, les femmes, avec les ouvriers, les employés, les travailleurs de seconde ligne…, dont elles font souvent partie, seront la deuxième grande catégorie de salariés à subir de plein fouet ce changement de régime. »
« C’est une réforme juste pour les seniors. » Mensonge ! Plutôt que de travailler l’emploi des seniors qui est une vraie difficulté avec de nombreuses personnes privées d’emploi, le gouvernement fait le choix de la facilité, celui de repousser la barrière. Il fait peu de cas du tiers de la population qui ne passe pas de l’emploi à la retraite et pour qui les conditions vont durcir. Il y a un sas de précarité au RSA et une des mesures juste avant cette réforme des retraites, c’est la réforme du chômage avec le passage de 36 mois d’indemnisation du chômage à 27 mois à partir de février. Avant même la réforme des retraites alors que l’on va repousser l’âge, on a diminué la protection pour ceux qui ne tiendront pas jusque-là.
« Le minimum retraite revalorisé à 1200 euros brut pour tous. » Mensonge ! Élisabeth Borne s’est engagée à ce que les salariés et indépendants, ayant « cotisé toute leur vie avec des revenus autour du Smic » auront désormais droit à une pension équivalente à 85 % du Smic net, soit 1200 euros, à peine au-dessus du seuil de pauvreté fixé à 1128 euros. Tous les retraités, actuels et futurs, devraient être concernés. De ce montant seront déduit des prélèvements comme la CSG, dont le taux dépend des revenus du foyer.
En réalité, l’annonce du gouvernement n’aurait pour effet que d’appliquer la législation avec 15 ans de retard ! La réforme des retraites de 2003, conduite par le ministre des affaires sociales François Fillon, était très claire à son article 4. « La Nation se fixe pour objectif d’assurer en 2008 à un salarié ayant travaillé à temps complet et disposant de la durée d’assurance nécessaire pour bénéficier du taux plein un montant total de pension lors de la liquidation au moins égal à 85 % du salaire minimum de croissance net lorsqu’il a cotisé pendant cette durée sur la base du salaire minimum de croissance. »
Les personnes n’ayant pas cotisé le nombre de trimestres requis ne seront pas concernés. Une exclusion qui touchera principalement les femmes (moins de 50 % des femmes valident une carrière complète contre 75 % des hommes). Une réforme juste… un mensonge de plus du gouvernement !
« Nous vivons plus longtemps, donc nous devons travailler plus longtemps. » Mensonge et tromperie ! Si depuis 1950, selon l’Insee, femmes et hommes avons gagné quinze ans d’espérance de vie, cette moyenne masque d’importantes disparités selon le sexe et les catégories sociales. Mais vivre plus longtemps ne signifie pas nécessairement vivre en bonne santé. Un report de l’âge de départ en retraite tend à augmenter significativement la fréquence et la durée des arrêts maladie. L’augmentation de l’espérance de vie est en train de se stabiliser et ne continue plus d’augmenter comme ce fut le cas ces cinquante dernières années. On ne peut donc pas faire des projections dans la continuité des constats du siècle dernier.
Dans un pays où chacun est de plus en plus productif, pourquoi faudrait-il travailler plus vieux, s’épuiser d’avantage au travail ? A 62 ans, c’est un homme sur quatre parmi les plus pauvres qui est déjà mort avant de partir en retraite. A 64 ans, 29 % sont déjà morts.
« La France n’est pas isolée au niveau européen, elle vit avec des voisins qui eux aussi repoussent l’âge de départ en retraite. » Nous devons être fiers d’être dans un pays dont le niveau de vie des retraités est à peu près égal à celui des actifs, fiers d’être dans un pays qui est un bel exemple de solidarité nationale que le gouvernement veut affaiblir. Devrions-nous suivre les moins-disant sociaux ou voulons-nous, au contraire, être un pays de progrès social ? C’est d’un modèle de société dont il s’agit.
Tout ce qui est proposé par le gouvernement est donc de l’intox.
La première chose à faire est de retirer le cœur de cette réforme, les deux points durs que sont le report de l’âge légal de départ à la retraite et l’accélération de la réforme de Marisol Touraine d’allongement de la durée de cotisation de 42 à 43 ans (réforme mise en place pendant le mandat de François Hollande et dont l’allongement n’est pas encore absorbé).
Avec les autres forces de la Nupes, l’unité de toute la gauche et de l’écologie, nous avons ensemble un projet qui est la retraite à 60 ans avec 40 ans de cotisations. Avec l’unité dans la Nupes, l’unité de tous les syndicats de salariés et les 80 % de Français qui sont opposés à la réforme, les conditions pour gagner sont réunies. Nous n’avons pas à subir réformes après réformes ces régressions sociales, nous devons réagir et nous pouvons gagner.
La France insoumise appuiera tout ce qui permettra dans la rue, dans les entreprises, partout, de l’emporter face à une réforme que nous considérons être une régression sociale historique.
Garantir une retraite digne https://nupes-2022.fr/le-programme/
- Restaurer le droit à la retraite à 60 ans à taux plein pour toutes et tous après quarante annuités de cotisation avec une attention particulière pour les carrières longues, discontinues et les métiers pénibles
- Maintenir l’équilibre des retraites en soumettant à cotisation patronale les dividendes, participation, épargne salariale, rachats d’action, heures supplémentaires, en augmentant de 0,25 point par an le taux de cotisation vieillesse et en créant une surcotisation sur les hauts salaires
- Rétablir les facteurs de pénibilité supprimés par Emmanuel Macron
- Porter a minima au niveau du SMIC revalorisé toutes les pensions pour une carrière complète, et le minimum vieillesse au niveau du seuil de pauvreté
- Prendre en compte le revenu de solidarité active (RSA) pour valider des trimestres en vue de la retraite
- Indexer le montant des retraites sur les salaires
- Interdire au Fonds de réserve pour les retraites d’investir dans des secteurs polluants