Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie

Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie ;
J’ai chaud extrême en endurant froidure :
La vie m’est et trop molle et trop dure.
J’ai grands ennuis entremêlés de joie.
 
Tout à un coup je ris et je larmoie,
Et en plaisir maint grief tourment j’endure ;
Mon bien s’en va, et à jamais il dure ;
Tout en un coup je sèche et je verdoie.
 
Ainsi Amour inconstamment me mène ;
Et, quand je pense avoir plus de douleur,
Sans y penser je me trouve hors de peine.
 
Puis, quand je crois ma joie être certaine,
Et être au haut de mon désiré heur,
Il me remet en mon premier malheur.

 
 
LOUISE LABE ( 1524/1566 )
poésie et féminisme à la Renaissance
Louise Labé (1524-1566), Sonnets,orthographe modernisée
 
Louise Labé est considérée comme la grande poétesse humaniste de la Renaissance. Elle fut également une vraie féministe. Sa revendication du droit au bonheur, du droit d’aimer, du droit de se jeter joyeusement dans les tourments de l’amour s’accompagne, dans la filiation de Rabelais de la revendication du droit à l’étude et à la science pour les femmes.