Cette Marseillaise restera dans l’histoire du Parlement et sans doute dans celle du mouvement social. 75 députés insoumis la chantant à tue-tête d’abord accompagnés par leurs collègues de la NUPES et même par des députés Front National. Puis le Rassemblement National se rassit consommant la défaite de sa confiscation de ce grand symbole de la première révolution égalitaire de l’Histoire du monde. La Marseillaise est revenue à la maison. Car si les Unes de tant de journaux du monde montrent les insoumis et leurs pancartes et s’ébahissent de cette Marseillaise c’est parce que dans le monde entier la Marseillaise est un chant du peuple qui ne craint ni rois ni privilégiés, un chant révolutionnaire, à ce jour encore, interdit sous de nombreuses dictatures. Qu’il soit chanté dans l’enceinte du Parlement ne désigne pas seulement l’identité révolutionnaire des Insoumis. Cela désigne aussi ce qu’est l’adversaire de ce jour : la monarchie présidentielle. Et celui qui l’assume à présent avec toute cette arrogance de classe qui caractérise les privilégiés et leurs serviteurs : Emmanuel Macron.
Dans le contexte précis cette Marseillaise voulait être une protestation contre la banalisation du 49.3. Le 49.3 c’est le retour du droit de veto royal « suspensif ! » annulé par la grande Révolution de 1789. Madame Borne l’a utilisé près de dix fois dans l’examen du projet de loi de finance. Chaque fois les insoumis ont déposé une motion de censure. Pour eux, il était clair que les macronistes avaient pour projet de banaliser cet outil, de créer une culture de soumission à cette violence. La résistance s’organisa pied à pied, 49.3 par 49.3, motion par motion. Les partenaires de la NUPES ne voyaient pas les choses comme nous, c’est vrai. Mais à la fin nous avons voté ensemble chaque censure. Jamais l’unité dans le combat ne s’est brisée. Je le mentionne avec gourmandise par comparaison avec les votes meurtriers que se sont infligés mutuellement Edouard Philippistes et macronistes non seulement entre eux mais aussi quand ils comptaient nous diviser, nous de la NUPES, sur leurs textes. Et encore, pendant cette Marseillaise, les macronistes se levèrent laborieusement pour applaudir Borne sur l’ordre gesticulé de leur présidente Aurore Bergé. Pendant ce temps, les rangées MODEM consternées restaient assises blêmes et perdues. Combien des uns et des autres sont venus se confier ensuite : « on ne peut pas continuer comme ça, il faut qu’elle s’en aille » parlant d’Elisabeth Borne. Car bien sûr, la démonstration d’autorité par 49.3 est une démonstration de faiblesse. Tout le monde le comprend comme ça. À Paris dans le microcosme, en France et dans le monde. La fin de règne macroniste coïncide avec son nouveau début. Il y a moins d’un an Macron « gagnait » la présidentielle par défaut et perdait les deux tours de la législative. A présent les ministres se cachent et annulent leurs déplacements et après quatre réunions hier à l’Elysée désignant l’auteur de la stratégie qui a mené son équipe dans le mur, le monarque présidentiel perplexe courait la nuit même se cacher au pavillon de la lanterne abandonnant Paris et sa place de la Concorde pleine de peuple en colère et trop près du Palais…
Cette Marseillaise est l’ode que les Insoumis chantaient au nom du peuple de France. Son cri de ralliement a libéré les énergies et la lutte s’y est aussitôt réchauffée comme devant un brasier les jours de froid. Aussitôt se mobilisaient les premiers rassemblements populaires de rue. Désormais, le calendrier de l’action est établi et porte jusqu’au-delà du vote de la motion de censure. Dès jeudi soir, les actions spontanées ont fusé ! Ce week-end, les syndicats appellent au combat partout et le 23 mars prochain : grande déferlante nationale. Faisons confiance à la stupidité de l’état-major macroniste qui s’est fourré dans cette impasse pour trouver les provocations qui amplifieront encore la colère collective. Restons optimistes : le pire est possible avec ces gens ! Mais allons au fond. Cette Marseillaise c’est la République sociale tout entière qui la chantait. L’unité populaire s’est faite sur les revendications sociales du peuple. Cette unité là construit un coude à coude où l’on ne tient compte ni du genre, ni de la religion, ni de la couleur de peau du qui lutte ensemble. L’union populaire quand elle est écologique et sociale, c’est-à-dire d’intérêt général, est alors l’unité de la nation elle-même, puisque la nation c’est son peuple faisant sa propre politique. Oyez mânes de Jaurès ! Nous avons entendu quand vous plaidiez cette idée aux argentins leur disant en substance « ne vous regroupez pas par pays d’origine, unissez-vous sur vos revendications sociales et de cette union jaillira la nation nouvelle que vous êtes en train de créer dans ce pays par votre travail ». Ainsi doit faire le peuple de France égalitaire et créolisant.
Jean-Luc Mélenchon 17 mars 2023