Il n’y a pas de péché originel

Avant le commencement, ceux qui sont sur le point de devenir les humains sont dans la nature comme le sont les autres mammifères : vivants et communicant entre eux sans langage donc sans souvenir articulé, sans reconstruction perpétuelle du passé. Ils sont présents, et le présent c’est l’éternité. Aux moments de satiété, l’existence leur est chère et douce. Le Paradis.

Puis, et c’est à la femme que les anciens attribuent cette avancée, vient la connaissance. Elle est accueillie par le geste d’Eve. Représentée par la cueillette délibérée d’un fruit. Un geste qui est la conséquence d’un désir et d’un choix. Disons, le premier choix. La genèse de la responsabilité.

Cette geste biblique raconte l’apparition concomitante du langage, car la connaissance est la fille du langage, et de l’humanité, espèce vivante dont le langage articulé est la signature. Le langage, forme à part entière de réalité qui relate la réalité non humaine et, dans le même mouvement, l’enrichit et la transforme. Donnant un nom aux concepts auparavant inaccessibles et parmi eux le bien et le mal. L’humanité désormais apte au paradoxe, capable d’être et de se voir être. La mise en place d’un recul visiblement intenable et tenu depuis des milliers d’année. Eve est donc le premier homme, issue de la côte mammifère d’Adam, qu’elle va immédiatement élever à ses côtés. Car comment être humain seul ?

Pour d’obscures raisons qui ont peut-être à voir avec cet aspect du vivant qui veut que rien ne dure si ce n’est le cycle qui nous broie, ou bien avec le malentendu universel qui fait que ce qui est écrit n’est jamais ce qui est lu, par un retournement prodigieux, celui-là qui continue de faire condamner les lanceurs d’alerte, cette avancée triomphale est une malédiction pour celle qui l’apporte : on la condamne.

Elle a nommé le mal comme elle a nommé le bien, la collectivité lui colle le mal sur le dos. Et, d’une histoire poétique lue sans amour, fait de nous toutes des salopes. L’invention de l’enfer dans nos consciences balbutiantes. Faisons le pari qu’il s’agit d’une étape vers quelque chose de plus intéressant, pas encore vu, pas encore dit, dans les laboratoires que sont, pour le bénéfice de cette histoire qui se réécrit dans la construction de chaque petit humain, la littérature et la politique.

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