… J’aimerais que cette expo claque comme une névrose qui décompense…

promenade acidulée encre sur papier-Stéphane Talbot

Le texte ci-dessous accompagne l’exposition de Stéphane Talbot
« Le végétal pour écriture » dans laquelle trois thématiques
sont développées dont la « névrose décompensée ».
Exposition du 26 janvier au 25 février 2024.
Château du Val-aux-Grès à Bolbec


Sur la scène de nos vies intimes, une part de nous-mêmes réside de manière inconsciente. Lieu où se tend une dramaturgie aux contours flous, aux affects aigus avec comme objets de convoitise : l’amour, la haine, nos désirs et nos fantasmes.

Ces « mises en scènes » auxquelles nous sommes liés affectivement, produisent les actions parfois contradictoires et déstabilisantes de notre quotidien.

Sans trop savoir de quoi il s’agit et par quoi elles ont agi ! Elles organisent la mise en œuvre des actes de nos vies.

Ainsi bon an mal an, dans notre quotidien, nous allons !

En constatant cependant une « certaine » domination d’ego et de narcissisme masculin qui a produit depuis longtemps ses effets dans l’organisation de la société.

Nous assistons aujourd’hui, sous la nécessité des transformations écologiques, sociales et économiques d’un système à bout de souffle, à une forme de déconstruction de ce modèle ‘normatif masculin’ et de ces valeurs dominantes de virilité : la force, le combat, la puissance, couplé à son pendant économique : l’ultra-libéralisme et sa funeste concurrence des hommes entres eux … au détriment de la nature.

Nous avons vu pour matérialiser cela : ces hommes blancs en colère, dont le profond malaise identitaire a conduit aux plus hautes fonctions : Trump phallocrate assumé à la tête d’un pays, qui avait toujours été à l’avant-garde du féminisme. C’est un symptôme, le signe d’une inquiétude masculine grandissante. Niant le réel, allant jusqu’à assiéger le capitole au risque de renverser la démocratie américaine. Les forces de la névrose sont puissantes !

(la même chose s’est produite au Brésil sur ordre de Bolsonaro / ou encore Macron qui déclare «que G.Depardieu rend fière la France» alors que celui-ci est visé par des plaintes pour viols et agressions sexuelles…)

… Pourtant une autre façon de penser l’autorité et changer la façon d’agir est possible, hors des schémas binaires, et ce, de manière souple, transversale, ouverte, ramifiée, en remplaçant les certitudes verticales, en faisant place au doute, à la discontinuité, au singulier, à la multiplicité. Tout cela pourrait être interprété « culturellement » comme étant un mode de pensée féminin*, par opposition à la rationalité linéaire, univoque qui caractérise la pensée occidentale actuellement à l’œuvre, d’essence souvent masculine.

Cet événement majeur qu’est la révolution du féminin et non féminine ne concerne pas seulement les rapports sociaux. Il se pourrait bien qu’elle pose la question de la part du féminin en nous, les hommes et par là même, la postule patriarcal qui domine notre société. Ses valeurs dominantes, ne sont plus adaptées, elles discréditent et rendent problématiques les changements.

A l’image de Françoise Dolto qui compare « l’adolescence à ce que vit le homard lorsqu’il se détache d’une carapace pour en sécréter une autre plus grande. Le homard est en état de vulnérabilité parce qu’il n’a plus ses défenses habituelles ». Le masculin est un peu dans ce moment, il a besoin de réinvention et surtout de lâcher prise, de lâcher la puissance !

Le moment politique actuel est d’ailleurs fort d’enseignements : il est paranoïaque ! où comme une caisse de résonance, les identités, les valeurs, les craintes, les pertes et une multitudes d’aspirations sont projetées dans un mélange de sentiments et de pulsions n’ayant que peu de rapports avec les enjeux manifestes de la réalité des évènements. Les choses semblent échappées et le risque d’un retour à une société liberticide et autoritaire est réel.

Les artistes ont leurs mots à dire dans cette affaire, par la proposition d’un récit, celui d’une interprétation créative, dans cette exposition, d’une « névrose décompensée » que je mets à la disposition du regard et du débat.

Stéphane TALBOT . Décembre 2023.

Stephane.talbot.plasticien@gmail.com


Source extrait du « Le Mythe de la virilité. Un piège pour les deux sexes. »
Olivia Gazalé. Robert Laffont, 2017.

Source extrait de l’article du Monde diplomatique ‘ »Le style paranoïaque en politique » de Richard Hofstadter. Septembre 2012.

Source « le complexe du homard » Françoise Dolto/Catherine Dolto Tolitch.
Édition Hatier. 1989.


*Marine Lepen est un contre-exemple en France, et quelques autres femmes…