Protéger, empêcher

Le numérique ça pique 6 / inspiré d'une photo d'Elisa Ventur

On se lève et on proteste #stopnumeriqueviolent

Un mot de passe ça ne se confie pas, ça ne s’écrit nulle part. Forte de savoirs acquis à l’adolescence dans des romans d’espionnage, j’ai tenu bon jusqu’en 2015. Les entreprises faisaient déjà changer périodiquement les mots de passe. J’utilisais des moyens mnémotechniques, je faisais des séries, j’y arrivais encore. En 2015 j’ai quitté mon domicile et j’ai dû faire un tas de démarches au travers de nouveaux sites. Alors j’ai pris une feuille de papier. Je n’ai pas copié tels quels mes codes secrets. J’ai établi d’habiles correspondances pour que Sherlock Holmes y perde son latin. Puis la longueur des mots de passe a augmenté, et la variété des signes à utiliser obligatoirement. Les sites ont mis en place des modalités de récupération grâce à des informations stables (adresse email, numéro de téléphone) et d’autres plus perso (nom du prof préféré ou du premier animal de compagnie). Le truc c’est que chacun fait ça à sa façon au lieu qu’il y ait un geste standard. L’Etat s’en est mêlé et a inventé les accès sécurisés à partir de ceux des services publics. Au début je n’y ai rien compris. Chance, mon interlocutrice du support téléphonique a été efficace. Selon elle j’étais pas la seule à ne pas comprendre. Ces modalités propres au service public, toutes différentes, sont financées par nous, à bien y penser.

Bref j’ai toujours la même feuille de papier ultraraturée mais je n’arrive plus à la tenir à jour. Je ne sais plus décoder ce que j’ai voulu cacher. Mon téléphone et mon ordi mémorisent certains trucs (selon les modalités différentes des applis et des sites Internet), mais si, comme c’est recommandé, je fais du ménage de loin en loin, je perds mes accès. Alors je change les mots de passe sans mettre à jour ma feuille si je ne l’ai pas sous la main. Un jour j’ai dû changer de numéro de téléphone. Et j’ai perdu un accès bancaire car après avoir reconnu le nom du chat que j’avais enfant et celui de ma maîtresse de CP, le système a envoyé un SMS… à mon ancien numéro. Pour me protéger bien sûr. On veut me vendre un logiciel qui gérera mes mots de passe. Cela ne revient-il pas à les confier à un tiers attaquable depuis  le darkweb ? Bref cette offre me laisse sceptique.

Est-ce qu’un jour c’est un droit fondamental que je perdrai à cause du numérique ?

Si toi aussi tu perds du temps, de l’argent, des droits parce que tu perds des accès, raconte ton histoire sur tes réseaux sociaux avec le hashtag #stopnumeriqueviolent.

#lenumériqueçapique