Un revirement qui fait sourire, mieux vaut tard que jamais !

En France, si l’interruption volontaire de grossesse (IVG) est autorisée depuis la loi Veil de 1975, le combat pour garantir le droit de toutes les femmes à disposer de leur corps est toujours d’actualité.

L’Assemblée nationale a très largement voté, jeudi dernier, l’inscription de l’avortement dans la Constitution.
Tout est parti, précisons-le, d’une proposition de loi de LFI lors de sa session de niche parlementaire, soutenue par la majorité présidentielle (non absolue). 

Au début il s’agissait d’inscrire dans la constitution « le droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) et à la contraception ».
Rappelons quand-même que “la gauche” a déjà porté à deux reprises cette idée lors de la mandature précédente:

  • En 2018, quand l’amendement (n°1115), proposé par la France Insoumise a été rejeté le 11 juillet : au total 130 députés prennent part au vote, 88 votent contre, 34 votent pour et 8 s‘abstiennent (parmi les élus qui votent contre, Yaël Braun-Pivet)
  • En 2019, quand la majorité présidentielle a refusé d’inscrire à l’ordre du jour la proposition de loi pour inscrire l’IVG dans la Constitution ( portée par Luc Carvounas, à l’époque député socialiste et membre de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes.)

C’est une première étape mais surtout le début d’un long parcours législatif.
Pour Mathilde Panot il s’agit de se prémunir d’une régression comme il a pu se produire récemment aux Etats Unis, ou ailleurs en Europe. Pour rappel, c’est le 25 mai 2022, que l’Etat de l’Oklahoma a promulgué une loi interdisant totalement l’avortement dès la fécondation, y compris en cas de viol ou d’inceste.
En Pologne, l’avortement n’est possible qu’en cas de viol ou lorsque la vie de la mère est en danger.
Enfin, en Hongrie, l’exécutif a adopté, le 12 septembre dernier, un décret modifiant la législation sur l’IVG. Désormais, les femmes devront écouter les battements de cœur du fœtus avant tout avortement. 

La proposition de loi LFI a recueilli 337 voix pour (avec 387 votants), 32 contre et 18 abstentions.
L’ensemble du groupe LFI a évidemment voté pour, tout comme le groupe EELV, le groupe PS et le groupe GDR.
Du côté de la fébrile majorité présidentielle, les groupes Renaissance, Modem et Horizons se sont prononcés pour.
En revanche, le groupe Rassemblement national s’est divisé avec 38 voix pour, 23 contre et 13 abstentions. Même chose du côté de LR, avec 13 voix pour, 7 contre et 2 abstentions. 

La proposition de loi, qui a été amendée par les députés, comporte un article unique, qui crée un nouvel article 66-2 dans la Constitution : « La loi garantit l’effectivité et l’égal accès au droit à l’interruption volontaire de grossesse ».
Pour les parlementaires, il s’agit de consacrer à la fois le caractère fondamental de ce droit et la nécessité de son encadrement par la loi, mais aussi un principe de non-régression, qui conduirait à l’inconstitutionnalité de toute future atteinte. 

Hélas, le texte a peu de chances d’obtenir l’approbation des sénateurs. La majorité sénatoriale, à dominante LR, n’est pas favorable à cette mesure.
Ces derniers se sont d’ailleurs déjà exprimés sur la question le 19 octobre dernier, en rejetant par 139 voix pour, 172 contre, un texte similaire porté par Mélanie Vogel, membre de EELV.

Pour trouver une issue favorable, une proposition de loi constitutionnelle doit être adoptée conforme (dans les mêmes termes) par les deux chambres, avant de passer par la voie finale d’un référendum.

A l’Assemblée nationale, les députés se sont divisés sur le sujet. Restent à convaincre les sénateurs LR.
Le nouveau texte ne faisant plus mention de la contraception, il suffirait qu’une vingtaine d’entre eux changent d’avis !

Annexes

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
visant à protéger et à garantir le droit fondamental à
l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception,
https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b0293_proposition-loi

Proposition initiale
« Proposition de loi constitutionnelle visant à protéger et à garantir le droit fondamental à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception »
Présentée par :Les membres du groupe La France insoumise.
Rapporteur⸱e : Mathilde Panot
Chef⸱fe⸱s de file : Pascale Martin, Martine Étienne et Sébastien Rome
L’interruption volontaire de grossesse est un acte médical qui fait partie de la vie des femmes. Pourtant, l’accès à l’avortement reste difficile : délai pour obtenir un premier rendez-vous, fermeture de 130 centres pratiquant les IVG en dix ans, pénurie de praticiens en ville et à l’hôpital… Le manque de moyens entrave l’accès à ce droit. Il en va pourtant de la liberté des femmes à disposer de leur corps. Alors qu’on observe en France et dans le monde une offensive réactionnaire et des velléités de revenir sur ce droit, alors que les héritiers du fascisme sont entrés en force à l’assemblée, nous souhaitons protéger et garantir le droit fondamental à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) et à la contraception, en l’inscrivant dans notre Constitution et en empêchant quiconque d’entraver l’exercice de ce droit fondamental. 

Analyse du scrutin
https://www2.assemblee-nationale.fr/scrutins/detail/(legislature)/16/(num)/629

Sources France Info, l’Insoumission, Assemblée nationale